François Nussbaumer a sillonné la Route Nationale 66 qui relie, dans son tracé d’origine, Saint- Louis (Haut-Rhin) à Bar-le-Duc (Meuse). La série d’images qu’il en a prises lors de ce périple instaure un dialogue unique entre photographie et film documentaire. Aucune mythologie cinématographique, cependant, ni de vastes horizons le long de cette route française, choisie pour son numéro identique à la célèbre "Route 66" américaine. Là s’arrête la comparaison. A travers ses clichés, François Nussbaumer dessine une cartographie de paysages en transition, vestiges d’un autre temps, sans destination claire, comme la route qui les traverse. Des paysages sculptés pour et par la voiture, témoins d’une époque révolue et d’une société en sursis : stations- service abandonnées ou non, concession automobile, parking, casse auto, entrepôts, station de lavage ou encore snack et pizzeria de bord de route... autant de lieux qui semblent au bord de l’abandon ou de l’épuisement, comme le souligne le philosophe Franck Fischbach dans cet ouvrage. Ici et là une boutique de vêtements, un magasin de matériel de ski, une usine sidérurgique... mais quasiment aucun être vivant dans ces images - pas un chat - et pourtant c’est un ruban d’existences que déroule le photographe avec beaucoup de délicatesse, celles de l’abandon et de la précarité, celles qui font le lit d’un vote extrémiste et de contestation. Mais la beauté formelle des photographies nous mène au-delà de ces lieux communs et se donne à voir comme étant, au présent, la capture éphémère des lieux d’une vie passée tout au long de la N66